Une aire de répartition très, très étendue
Le lynx boréal est le plus grand félin d’Europe, originellement répandu des Pyrénées à l’extrême Orient ; répartition la plus étendue de tous les félins sur Terre. Pourtant, dès le XVIe siècle, sa population régresse et il disparait d’Europe de l’Ouest entre le XVIIe et le XXe siècle, de France sans doute au XVIIIe siècle.
Aujourd’hui, la population européenne est estimée à 9 500 individus, essentiellement repartie autour de la mer Baltique et dans les Carpates. En Russie, l’espèce n’est pas considérée en danger.
La situation en Europe de l’Ouest est bien différente. En France, par exemple, sa population est estimée à moins de 200 adultes. Autant dire qu’elle reste très fragile face aux nombreuses pressions humaines (collisions routières et braconnage) et que le lynx figure à ce titre sur la liste rouge des espèces menacées.
Et un retour inattendu dans le Jura français
Le Lynx boréal réapparait dans le Jura dans les années 1970, en provenance de Suisse où il avait été réintroduit par des naturalistes suisses. Son aire de répartition s’élargit progressivement pour atteindre le département de l’Ain au milieu des années 80. Pour renforcer cette colonisation, une vingtaine d’individus seront introduits dans les Vosges, à partir de 1983. Il ne semble pas encore y avoir d’échange entre les deux populations.
En 2007, les observations d’un mâle puis d’une femelle suitée dans les Alpes-Maritimes, entre Mons, Fayence et Thorenc, figurent parmi celles les plus au sud de l’arc alpin. Et beaucoup de mystères subsistent encore sur les lieux de villégiature et les déplacements du félin en cours d’installation.
Un forestier discret et solitaire
Ce gros chat sauvage à courte queue a des oreilles pointues finissant en touffe de poils noirs. Il n’a que 28 dents au lieu des 30 habituelles chez les félins. Ses pattes sont, proportionnellement à son corps, beaucoup plus volumineuses que celles des chats, lui permettant de marcher dans la neige, sans s’enfoncer, à la manière de raquettes. Sa fourrure, très dense, varie du blanc crème au brun foncé, avec plus ou moins de taches noires sur le corps.
Ses mensurations varient énormément en fonction du milieu : 70 cm de haut pour 120 cm de long (queue comprise) et 9 à 35 kg. En France, son poids moyen est compris entre 20 à 25 kg maximum.
Le lynx est un animal territorial qui vit solitaire à longueur d’année sur un territoire allant de 90 km2 pour une femelle à 250 km2 pour un mâle.
Le territoire du mâle recouvre souvent celui de plusieurs femelles. Soigneusement borné par des marquages jugal (frottement des joues sur les souches d’arbres) ou ano-génital (spray urinaire sur des troncs d’arbres ou des rochers), ce domaine vital est utilisé pour la chasse et l’éducation des jeunes.
Animal discret, il ne quitte qu’exceptionnellement les forêts de basses et moyennes altitudes qu’il affectionne.
Il répugne à s’aventurer à découvert sur de longues distances et se déplace à la faveur de corridors boisés, empruntant régulièrement les pistes ou les chemins forestiers. Il recherche volontiers les barres rocheuses qui lui offrent abris ou tanières. Pourvu que ses proies favorites y abondent.
Le chevreuil, proie de prédilection du lynx
Le lynx Boréal est un carnivore strict. Il ne mange que la viande qu’il a lui-même chassée. Quelques consommations de charognes ont été observées mais si rarement que cette pratique est considérée comme négligeable.
Le félin a sa proie de prédilection, le chevreuil, comme le chat avec la souris. Il n’est donc pas étonnant que son retour ait accompagné l’augmentation spectaculaire des effectifs de cet ongulé dans l’est de la France.
Le lynx mange environ 1 à 3 kg de chair par jour. Ce qui représente à peu près 60 ongulés par an (chevreuils 70%, chamois 20 %, autres proies 10 % dont le renard, le lièvre, la marmotte ou encore mustélidés et plus rarement oiseaux.).
C’est un chasseur à l’affût qui bondit à très courte distance sur sa proie et la tue, après l’avoir fauchée avec son antérieur, par une morsure à la gorge ou à la nuque. Les muscles des cuisses et le foie sont consommés en priorité (trois observations sur la Réserve). Ce qui permet de faire la différence avec le loup qui ouvre en premier lieu la cage thoracique (six observations sur la Réserve).
Pour l’association française FERUS, spécialiste des grands carnivores, le chevreuil et le chamois représentent jusqu’à 90% des proies du lynx. Lorsqu’il a tué un animal de taille importante, il peut revenir le consommer plusieurs jours de suite, en commençant toujours par les parties les plus charnues (cuisses puis épaules). La peau est, alors, progressivement retroussée vers la tête pour découvrir les muscles.
Brèves épousailles ou chéri fais-moi mal…
Mâles et femelles ne se retrouvent qu’à la saison des amours. Le rut débute fin février et se termine en avril.
Lorsque les femelles sont en chaleur, elles déposent leurs urines principalement sur des troncs d’arbres. Dans ces urines, des nombreuses phéromones informent le mâle du territoire de la période d’ovulation des femelles.
La nuit résonne alors de feulements brefs et puissants, « WAaaou », poussés par le mâle (deux écoutes sur la Réserve en 2009 et 2010). Les épousailles sont brèves et ne durent que quelques jours. Les accouplements restent vifs et agités et de ces étreintes, la femelle garde souvent des morsures sur l’échine.
Après 10 semaines de gestation, elle met bas et élèvera seule deux à trois jeunes, revenant à sa tanière après des chasses nocturnes dans les premières semaines. Ensuite, elle changera régulièrement de refuge. Il lui est plus facile de déplacer ses jeunes que de transporter une proie tuée. Malgré toutes ces précautions, les chatons ont, la première année, un taux de mortalité de 50 % !
Une émancipation à haut risque
L’émancipation des jeunes est soudaine, de janvier à avril, quand arrive la saison de reproduction suivante. La femelle les pousse alors à quitter son territoire malgré leur jeune âge (10 mois).
Période la plus critique de la vie des lynx. Encore peu expérimentés à la chasse, il leur faut apprendre à survivre dans des lieux inconnus et à faire face à de multiples dangers. Les cas de mortalité sont fréquents sur les routes et les voies ferrées. Il arrive aussi que ces carnivores sous-alimentés et affaiblis soient recueillis à proximité d’habitations comme dans le Jura à plusieurs reprises.
Voir à ce sujet le remarquable travail du Centre ATHENAS – 39 570 L’Etoile – 03 84 21 66 05
Présence féline à Thorenc
La présence du lynx dans la vallée a été confirmée depuis 2006. Cependant les observations directes sont très rares (une femelle et un jeune en 2007 – un mâle adulte en 2023).
Quelques cadavres de chevreuils ou les appels d’un mâle sous les barres rocheuses confirment néanmoins sa présence, même temporaire.