Le LOUP (Canis lupus)
On dénombre aujourd’hui 37 espèces de canidés, reparties partout sur la planète, dont les représentants les plus connus sont : les chacals, les loups, les renards, les chiens domestiques, les coyotes, les dholes, les lycaons, …
La taille du Loup gris varie en fonction de sa géographie, selon la règle de Bergmann, qui corrèle la température du milieu au ratio volume/surface du corps. Autrement dit : plus un loup vit dans un milieu froid, plus il est gros. Les loups de Sibérie et de Scandinavie, bien qu’ils soient de la même espèce que les loups des régions méditerranéennes, sont plus gros et plus lourds. Si en France, la taille et le poids moyen des loups sont de 70 à 80 cm au garrot pour 25 à 35 kilos (en fonction du sexe et du milieu), en Russie ils sont autour de 80 cm au garrot pour 50 kilos.
L’apparence du Loup gris présente une grande variabilité selon les régions d’origine. De nombreuses sous-espèces ont été décrites sur la base de quelques individus, sans prendre en compte la variabilité phénotypique naturelle de l’espèce. Aujourd’hui, le débat fait encore rage entre les défenseurs de quelques espèces aux nombreux phénotypes et ceux qui créent des sous-espèces dans toutes les régions du monde.
Pour simplifier cette phylogénie chaotique, nous parlerons ici des répartitions géographiques et non des sous-espèces connues. Ainsi peut-on distinguer :
- Les loups d’Amérique du Nord (Canis lupus spp)*,
- Les loups d’Eurasie (Canis lupus spp)*,
- Les loups d’Orient (Canis lupus spp)*,
- Le loup gris européen (Canis lupus lupus),
- Le loup d’Italie (Canis lupus italicus),
- Le loup ibérique (Canis lupus signatus).
*le nom latin finissant par spp est un regroupement de plusieurs sous espèces connues.
À l’origine très présent dans le nord de l’Eurasie (limite sud : Himalaya, Moyen Orient, Caucase, mer Noire), la répartition du loup gris européen (Canis lupus lupus) s’est grandement réduite au XIXème et XXème siècle. Depuis quelques années, l’espèce fait un timide retour dans les pays d’Europe de l’Ouest et à l’est de la Chine.
Le loup ibérique (Canis lupus signatus) croit, quant à lui, rapidement mais son aire de répartition ne remonte pas, pour une raison inconnue, plus haut que les Pyrénées.
Le loup d’Italie (Canis lupus italicus) se retrouve dans le sud-est de la France et partout en Italie. Il partage, de plus en plus, son territoire avec le loup gris européen.
Attention : toutes ces sous-espèces sont parfaitement fertiles entre elles. Il arrive même dans certains cas, qu’on retrouve plusieurs sous-espèces de loups dans la même meute !
Le saviez-vous ?
A toutes ces sous-espèces, il faut, depuis quelques années, y ajouter partout en Europe, les hybrides issus par une cohabitation de plus en plus marquée avec les chiens domestiques errants !
Petite fierté française : en 2017, l’ONCFS publiait une étude génétique qui établissait que l’hybridation du loup était un phénomène très limité en France.
Une cohabitation ancestrale avec l’homme
Les hommes chasseurs-cueilleurs ont longtemps partagé les mêmes territoires que le loup. Cette cohabitation ancienne est attestée par les ossements de loups retrouvés sur les sites occupés par l’homme : à Tautavel ou encore dans la grotte du Lazaret à Nice.
Le loup a été le premier animal domestiqué par les peuples nomades de l’Arctique, il y a plus de 12 000 ans. Cette rencontre témoigne d’une fascination mutuelle.
Difficile d’imaginer que les humains aient pu, à l’époque, voir dans le loup un danger pour leur survie, alors qu’ils recueillaient les louveteaux orphelins pour les confier aux femmes du clan ! C’est ainsi qu’apparurent les « premiers chiens ».
Ce n’est qu’assez récemment que les sociétés rurales, au service des pouvoirs politiques et religieux, se sont engagées dans une des persécutions les plus actives et les plus efficaces que l’homme ait infligée à un être vivant. Entre 1797 et 1798, 12 000 à 14 000 loups sont tués en France, à une époque où les fusils sont rares. En 1850, leur population est estimée entre 3 000 et 7 000 adultes.
Une loi est votée en 1882 pour l’exterminer. Il disparaît de France en 1939.
Toutefois, l’homme n’est jamais parvenu en Europe à l’éliminer totalement. Son potentiel de survie et d’adaptation le défend mieux que toute action en sa faveur. Et après une absence de plus de 50 ans, le loup est de retour dans les Alpes.
Le grand retour
Arrivé en 1992 en Vésubie (Alpes-Maritimes), le loup, venu d’Italie, s’est aujourd’hui installé un peu partout dans les Alpes. Avec des « avant-gardes » dans le Massif central, les Pyrénées, et les Vosges.
Animal très discret, longtemps resté invisible, le loup tend à se montrer depuis quelques années, sur les crêtes le plus souvent et parfois jusqu’aux abords des villages. Il faut dire que l’on compte aujourd’hui une vingtaine de meutes reproductrices, dont 14 en région PACA. Rien de surprenant à ce que la Réserve des Monts D’Azur se retrouve au cœur du territoire de la meute du Cheiron, une des cinq meutes du département des Alpes-Maritimes. Après le Mont Ventoux et la Montagne de Lure, la colonisation se poursuit dans le massif de la Sainte-Baume (Var et Bouches du Rhône). La dispersion est, en effet, la clé de la survie de la meute.
La meute du Cheiron signe son passage dans la Réserve biologique des Monts d’Azur par la présence de proies tuées et « nettoyées » (surtout cerfs et parfois sangliers). Traces sur un chemin, voies dans la neige et parfois crottes confirment son passage. Les hurlements de la meute, accompagnée de jeunes de l’année, sont fréquemment entendus aux alentours de la Réserve.
Le retour de ce grand carnivore implique une surveillance accrue des troupeaux mais aussi la présence de chiens et de filets de protection. Même si ces mesures sont parfois mal vécues par les bergers, elles n’en demeurent pas moins efficaces. Elles ont fait leurs preuves en Italie et en Espagne où la cohabitation est bien plus paisible qu’en France.
La vie en meute
La vie sociale du loup s’organise autour du couple dominant, appelé « couple alpha ». Seul à se reproduire, c’est lui qui organise la hiérarchie et les activités de la meute, accompagné d’un adulte mature, mâle ou femelle.
Tous les loups d’une meute sont unis par des liens familiaux. Parfois, des individus isolés naviguent entre plusieurs groupes, sans y appartenir vraiment. La dominance du couple alpha est constamment remise en cause par les jeunes adultes (mâles et femelles). La meute est donc en constante évolution, avec même parfois l’adoption de loups solitaires, extérieurs à la meute. En toute logique, plus la meute est grande, plus les combats sont fréquents, et inversement.
L’organisation de la meute est directement liée aux conditions biotiques et abiotiques du territoire. Plus le territoire de la meute est grand et riche en ressources, plus le nombre d’individus au sein de la meute est important. Les meutes européennes comptent en moyenne 4 à 6 membres sur 300 km² ; les meutes Nord-Américaines vont jusqu’à 15 individus sur près 4 000 km² !
Dans les Alpes, la meute se compose généralement de deux à trois adultes, avec des jeunes de l’année. Les meutes « historiques » du Mercantour comptent de cinq à sept individus, exceptionnellement dix. Leur taille varie avec le nombre de proies disponibles.
La vie de la meute est centrée tout entière sur les soins et l’alimentation des jeunes, la chasse et la défense du domaine vital. Ce dernier s’étend sur 200 à 300 km². Les mises-bas ont lieu de la fin-mars à la mi-mai. Sevrés vers l’âge de 8 à 10 semaines, les louveteaux quittent la tanière pour le site de « rendez-vous ». Encore trop petits pour suivre les adultes, c’est sur ce site qu’ils attendront le retour de la chasse, seuls ou sous la surveillance d’un adulte. Le site de rendez-vous est abandonné au début de l’automne.
Le couple dominant gère la chasse et les déplacements de la meute, les jeunes participent au nourrissage et à l’éducation des louveteaux. Ils disposent pour cela de grandes capacités de communication : chimiques, auditives ou visuelles qui permettent de renforcer la solidarité de la meute.
Le loup, carnivore opportuniste
Carnivore opportuniste, il ajuste son menu au territoire qu’il occupe. Les grands ongulés sauvages ont sa préférence : cerfs, chamois, chevreuils et sangliers. Sans dédaigner les proies plus petites à la belle saison, lièvres, lapins et petits rongeurs, ou les charognes lors d’hivers rigoureux.
On estime entre 50 et 70 le nombre moyen de grands ongulés tués par une meute en un an. Pour mémoire, la population d’ongulés sauvages a été multipliée par dix en 30 ans en France. Ce sont plus de 40 000 cerfs et biches et 500 000 chevreuils qui sont tués à la chasse chaque année.
Dans tous les cas, le loup va au plus facile, évitant toute prise de risque excessive en abandonnant rapidement la poursuite d’une proie jugée trop vigoureuse. D’où son goût, l’été, pour les troupeaux mal protégés.
Une dispersion dynamique
Vers 2 ans, arrivés à maturité sexuelle, les jeunes adultes ont 2 choix : soit ils défient leurs parents pour prendre le contrôle de la meute, soit ils quittent le territoire parental.
Ils vont alors parcourir des dizaines de kilomètres pour trouver un congénère et un territoire disponibles et fonder une nouvelle meute. C’est ce qui explique qu’en vingt ans, le loup ait pu s’installer dans la plupart des départements alpins, en Lozère et jusque dans les Pyrénées orientales.
Protégé par la Convention de Berne et la Directive habitats, le loup vient pourtant en France d’être retiré de la liste des espèces menacées. Il est en expansion et gagne du terrain, profitant de l’augmentation des populations d’ongulés sauvages, de la progression de la forêt, et du recul du monde rural. Son avenir est-il pour autant assuré.
cohabiter en paix…
Bien connaître le loup pour mieux s’en protéger et cohabiter en paix.
Les grands prédateurs jouent un rôle clé dans l’équilibre des écosystèmes. Ils sont les garants les plus sûrs de la bonne santé des troupeaux d’herbivores sauvages, en éliminant précocement les malades. Ils contribuent, aussi, à la protection des espaces naturels surpâturés en provoquant la dispersion de leurs proies.
Serons-nous capables de partager, avec eux, une partie de nos territoires ruraux ou continuerons-nous à les traiter comme des nuisibles ? La question reste posée en France alors que nos voisins allemands, italiens ou espagnols ont démontré qu’il était possible de concevoir une cohabitation à bénéfices réciproques, les avantages environnementaux et les retombées touristiques compensant largement les pertes agricoles. Aux USA, les services touristiques évaluent à 35 millions de dollars les recettes annuelles liées à la présence du loup dans le parc de Yellowstone !
…AVEC UNE ESPECE CLE DE VOUTE
Super prédateur, le loup joue un rôle essentiel dans les écosystèmes du monde entier. Des populations de loups, bien adaptées à leur milieu, contribuent à empêcher le surpâturage des herbivores et favorisent la régénération végétale.
Les loups sélectionnent des proies faibles, malades ou âgées, ce qui contribue à maintenir les populations d’herbivores en bonne santé. Cette prédation sélective entraîne plusieurs conséquences en chaine, bénéfiques pour les écosystèmes :
- Les loups limitent la surpopulation d’herbivores,
- Ils diminuent ainsi la surconsommation de végétation par ces mêmes herbivores,
- Les carcasses se dégradant naturellement permettent à une grande diversité de nécrophages de s’installer et de dynamiser tout l’écosystème,
- Le développement de la végétation augmente la diversité d’habitats pour la petite faune,
- Plus d’insectes, de rongeurs et d’amphibiens font croitre les interactions écosystémiques.
Une dernière précision : le régime alimentaire du loup n’est que très peu corrélé à l’élevage et aux activités humaines ! Une étude de 2012, de l’Office Française de la Biodiversité, réalisée sur 9 meutes dans les Alpes a montré que le régime alimentaire du loup était composé à :
- 76 % d’ongulés sauvages (principalement chevreuils et chamois),
- 16 % d’animaux domestiques (principalement des moutons)
- 8 % autres (rongeurs, oiseaux, fruits, charognes, …).